L’utilisation des algues marines en agriculture est l’une des pratiques les plus anciennes puisque de nombreux peuples côtiers ont de tout temps récolté des algues pour s’en servir comme engrais, aliments de bétail ou même comme aliments pour leur propre consommation. Les premières traces d’utilisation des algues marines par l’homme remontent à 2700 avant JC. Les Chinois et les Japonais les ont utilisés pour la consommation humaine et animale. Il est cité également que les Britanniques et les Ecossais avaient utilisé les algues comme amendements organiques du sol depuis le 16ème siècle et un peu plus tard en France (Bretagne) où cet amendement prendra le nom de goémon.
La recherche de biopesticides et de biofertilisants en substitution des pesticides et des engrais chimiques est une tendance significative dans l’évolution de l’agriculture. Ainsi, dans un souci d’une agriculture durable, moins onéreuse et respectueuse de l’environnement, l’utilisation des extraits d’algues marines pourrait avoir toute sa place dans ce type de raisonnement. En effet, les recherches effectuées dans ce sens, démontrent que les apports des extraits d’algues marines, aux doses et aux périodes recommandées, favorise une augmentation de la croissance des végétaux, une bonne résistance aux maladies et une meilleure qualité des produits récoltés.
Ces nouveaux « produits issus des fond des mers » ne sont pas encore de vrais substituts aux produits phytosanitaires conventionnels mais sont cependant de bons compléments pour en limiter l’utilisation. Les produits à base d’extraits d’algues marines peuvent donc s’inscrire dans un type d’agriculture qui allie, à la fois, la lutte chimique conventionnelle et la lutte biologique tout en respectant au mieux la flore et la faune naturelle ainsi que la santé humaine. Ils représentent donc un atout important pour l’évolution vers une « agriculture raisonnée».
Initialement employées entières, sous forme d’amendement organique, les algues sont actuellement de plus en plus utilisées sous forme d’extraits liquides. Les premières pulvérisations foliaires d’extraits d’algues sur les plantes ont eu lieu vers les années 1950, époque où le concept de nutrition des plantes était encore fondé sur le principe que les racines étaient les organes d’absorption des éléments minéraux du sol et les feuilles ceux de l’assimilation carbonée. Bien que la nutrition foliaire soit déjà utilisée à cette époque pour corriger les carences en oligoéléments, elle ne s’est développée dans le cadre de la fertilisation générale des plantes que vers les années 1960, favorisant la vente d’extraits d’algues. Depuis cette époque, de nombreux essais ont été entrepris pour montrer l’efficacité de ces extraits. Toutefois, beaucoup d’articles ont été écrits dans un intérêt plus commercial que scientifique, et doivent donc être considérés avec prudence.
Divers effets phyto-actifs (ou bio-stimulant) de ces extraits d’algues marines ont cependant pu être mis en évidence malgré des résultats parfois irréguliers. Parmi les effets bénéfiques rapportés par la majorités des études faites dans ce sens on trouve: l’amélioration du taux de germination des graines, l’augmentation des rendements, l’augmentation de la résistance au froid et aux autres stress abiotiques, la résistance à certaines maladies, l’intensification de l’absorption des éléments minéraux du sol ou encore l’amélioration de la durée de conservation des fruits (shelf life).
A l’heure actuelle, les mécanismes d’action de ces extraits ne sont pas connus de façon satisfaisante. Quels que soient leur origine, ou leur mode de préparation, ces extraits sont très complexes et renferment de nombreux éléments minéraux et constituants organiques. Aujourd’hui, on s’accorde à dire que les extraits d’algues marines contiennent cinq types de composants particulièrement intéressants:
Acides aminés (Bétaïnes): molécules d’une grande importance pour la nutrition des plantes. Les Bétaïnes, dérivées d’acides aminés, sont des molécules osmo-régulateurs qui ont un effet bénéfique chez les plantes et essentiels à leur adaptation au stress thermique, hydrique et salin.
Polysaccharides et Oligosaccharides: les algues marines renferment également des saccharides de réserve. Ces molécules ont des effets important sur la plante mais aussi sur la rhizosphère autour des racines. Ainsi, Les Alginates ont un grand pouvoir de rétention de l’eau et des éléments minéraux aux racines dans le sol. Le Mannitol et les alginates ont des propriétés chélatantes envers les oligo-éléments. Les Laminarines ont un role important dans la stimulation du système immunitaire naturel des plantes tandis que les Fucoidans ont des propriétés anti-virales non négligeables.
Phytohormones: plusieurs phytohormones ont été identifiées dans les extraits d’algues marines. Ainsi, on trouve la présence d’auxines et de cytokynines (hormones de croissance responsables de la division cellulaire (cytokinines) et de l’élongation cellulaire ( auxines)) dans la plupart des extraits. La présence de gibbérellines a aussi été constatée dans les produits frais, mais leur activité chute drastiquement jusqu’à des niveaux négligeables suite aux méthodes d’extraction et de conditionnement.
Anti-oxydants (Vitamines, Polyphénoles, Fucoxanthines et Chlorophylle): molécules thermosensibles qui ont une grande activité anti-oxydante en neutralisant les radicaux libres produits par les plantes pendants les moments du stress (attaque d’un pathogène, stress hydrique, salinité élevée, fortes chaleurs, froid intense… etc.).
Oligo-éléments et autres éléments minéraux: l’analyse de la composition des algues fraîches montre qu’elles contiennent entre 50 et 60 éléments minéraux essentiels aux plantes mais en faibles doses.
Bien que le mode d’action des extraits d’algues marines ne soit pas entièrement élucidé, les effets observés suite à l’application de ces produits proviendraient essentiellement des phytohormones, les anti-oxydants et des polysaccharides. Les phytohormones présentes en faibles quantités (principalement les auxines et les cytokinines) agiraient au niveau de la croissance et du développement des organes (division et élongation cellulaire). Les anti-oxydants agiraient comme des osmo-régulateurs contre les diffrents stress biotiques et abiotiques tandis que les polysaccharides seraient impliqués dans la stimulation des réactions de défenses naturelles des plantes (apport des éliciteurs : molécules responsables de l’induction de mécanismes de résistance de la plante vis-à-vis d’un pathogène). La présence du mannitol et de l’acide alginique contribuerait également à la rétention, l’absorption et à la translocation des éléments minéraux grâce à leur importante propriété complexante (chélatante). Quant aux éléments minéraux présents dans les extraits d’algues, ils ne contribueraient que pour une proportion insignifiante aux besoins de la plante traitée, vu la faible dose appliquée de ce genre de produits.
Une dizaine d’espèces d’algues marines sont utilisées à travers les différentes régions du monde pour la fabrication de biofertilisants. Les principales espèces à intérêt agronomique sont:
Ascophyllum nodosum: algue brune en forme de « corde à nœuds» qui peut atteindre plus de 1,50 m de longueur. Elle est commune le long des côtes rocheuses de l’atlantique nord. C’est la principale espèce d’algues collectée pour la production des extraits liquides utilisés dans l’industrie des biofertilisants.
Fucus vesiculosus: algue brune qui présente des vésicules remplies de gaz pour lui permettre une bonne flottabilité. Elle est commune aussi le long des côtes rocheuses de l’atlantique nord et du pacifique. C’est aussi une des principales espèces d’algues collectées pour son intérêt agronomique.
Laminaria digitata: algue pérenne de couleur brune en forme de thalles digitées. Elle mesure 1 à 1,5m de longueur et pouvant atteindre 4m. Elle est répondue dans l’atlantique du nord, l’atlantique du sud, la mer du nord et la manche. C’est aussi une des principales espèces d’algues collectées pour la production des extraits liquides utilisés dans l’industrie des biofertilisants.
Sargassum muticom (Sargasse): algue de couleur brune sous forme de frondes peuvent atteindre plusieurs mètres de long et fixées au fond par un thalle dit « coriace ». Certaines Sargasses vivent parfois de manière exclusivement flottante en forme de thalles. C’est une espèce invasive qui est répondue dans la majorité des mers et océans.
Ecklonia maxima (Kelp): algue de couleur brune appelées aussi le bambou des mer, c’est une espèces qui est très répondu sur les cotes africaines du sud de l’atlantique (Angola et Afrique du sud). C’est aussi une des principales espèces d’algues collectées pour la production des extraits liquides utilisés dans l’industrie des biofertilisants.
Ulva lactuca: algue de couleur vert vif, avec des feuilles lobées à bord dentelé qui ressemblent à une feuille de laitue. Elle se caractérise par une texture élastique, fine et très souple, lui permettant de ne pas se déchirer au moindre accrochage. Cette algue présente un intérêt croissant dans la production d’engrais organiques à cause de sa forte teneur en azote et en phosphore.